Ce cours fait suite à notre étude sur le mékalel intitulée « La ColèreAveugle – L’homme qui avait maudit D.ieu ». Nous étions restés sur un air
d’inachevé. En effet, s’il est vrai que le mékalel
a eu un comportement inacceptable, celui de Moché et de la tribu de Dan
soulèvent au moins un questionnement.
Nous avions demandé : Moché, ne pouvait-il rien
pour cet homme ? Ne pouvait-il pas lui trouver un arrangement ? Moché
a été dur de lui donner la sentence froide sans lui proposer de l’aider, non ?
De même
pour cet homme de la tribu de Dan, la tribu de Dan dans son ensemble, en tant
que société, ne pouvaient-ils pas trouver une solution à ce problème, autre que
le conflit et les tribunaux ?
Nous avions également justifié le fait que la parfaite
accusation contre Moché provenait de son propre beau-père, Yitro. Celui-ci
avait accueilli Moché l’étranger à Midiane, et l’avait inséré dans la société.
De plus, alors que Yitro ne fait pas partie du peuple d’Israël, Moché avait
insisté pour qu’il reste avec eux dans le camp : il lui avait bien trouvé
une place. Alors pourquoi pas pour le mékalel ?
Mais je vous avais rassurés en vous annonçant qu’il y
avait une sorte de deuxième acte à cette histoire de mékalel qui se déroule plusieurs dizaines d’années plus tard. C’est
histoire de l’Idole de Mikha (Choftim,
17-18) que je vous avais demandé de lire attentivement en gardant en tête les
histoires du mékalel ainsi que celle
de Moché chez Yitro (Chémot 2:11-22).
Nous allons à présent relire ce passage et relever tout ce qui nous rappelle le
mékalel.
Des résonnances de blasphème
Nous allons lire l’histoire dans son ensemble (Choftim, 17-18).
Mikha et son idole
Analysons les premiers versets de cette histoire de
l’Idole de Mikha (Choftim 17:1-6).
א וַיְהִי-אִישׁ מֵהַר-אֶפְרָיִם, וּשְׁמוֹ מִיכָיְהוּ.
|
1 Il y avait dans la montagne d’Ephraïm un homme nommé Mikha.
|
Le nom de Mikha lorsqu’il est présenté pour la première
fois est quelque peu modifié. La différence entre « מִיכָיְהוּ » et « מִיכָה » sont les lettres qui
composent une partie du nom de D.ieu.
ב וַיֹּאמֶר לְאִמּוֹ
אֶלֶף וּמֵאָה הַכֶּסֶף אֲשֶׁר לֻקַּח-לָךְ, ואתי (וְאַתְּ) אָלִית וְגַם אָמַרְתְּ בְּאָזְנַי, הִנֵּה-הַכֶּסֶף אִתִּי, אֲנִי לְקַחְתִּיו; וַתֹּאמֶר
אִמּוֹ, בָּרוּךְ בְּנִי לַה׳.
|
2 Il dit un jour à sa mère : "Les mille-cents pièces d’argent qu’on
t’a dérobées, vol dont tu as maudit l’auteur, et cela en ma présence, sache
que cet argent est en ma possession ; c’est moi qui l’ai pris." La mère
répondit : "Que mon fils soit béni de D.ieu!"
|
Mikha
avoue à sa mère qu’il est le voleur qu’elle avait maudit. Quelqu’un lui avait
dérobé son argent, mais elle ne savait pas que c’était son fils, et elle avait
maudit son voleur. Alors sa mère, immédiatement, le bénit. Elle souhaite, par
cela, effacer l’effet de la malédiction qu’elle avait proférée – la malédiction
et la bénédiction étant des antagonistes.
Elle lui
dit donc, en quelques sortes : « Non, non, toi, tu n’es pas maudit ;
toi, tu es bénit ». Mais, lui, dans ces mots, fait penser le contraire,
comme on va le voir tout de suite. En effet, nous avons à faire dans ce verset
à ce qu’on appelle un keri/ketiv. Il
s’agit de mots qui sont écrits d’une certaine manière mais qui sont prononcés
différemment, ce qui leur donne parfois un autre sens.
Dans
notre verset, on lit : « וְאַתְּ אָלִית » qui signifie « tu as maudit ». Or, il est
écrit « ואתי אָלִית » qui veut dire « tu m’as
maudit ». Peut-être que c’est un double sens dans la bouche de Mikha,
comme s’il disait à sa mère : « tu voulais maudire le voleur, en
pensant que ce n’était pas moi, mais c’est moi le voleur, c’est donc moi que tu
as maudit ».
ג וַיָּשֶׁב אֶת-אֶלֶף-וּמֵאָה הַכֶּסֶף, לְאִמּוֹ; וַתֹּאמֶר אִמּוֹ
הַקְדֵּשׁ הִקְדַּשְׁתִּי אֶת-הַכֶּסֶף לַה׳
מִיָּדִי לִבְנִי, לַעֲשׂוֹת פֶּסֶל וּמַסֵּכָה, וְעַתָּה, אֲשִׁיבֶנּוּ לָךְ.
|
3 Il rendit les onze cents pièces d’argent à sa mère, qui lui dit :
"J’avais destiné cet argent à D.ieu, voulant le remettre à mon fils pour
qu’on en fît une idole en métal ; je te prie donc de le reprendre."
|
A ce moment
là, elle lui annonce autre chose : elle avait promis d’offrir une idole en
l’honneur de D.ieu[1]
avec cet argent. Elle lui propose de reprendre l’argent afin de concrétiser sa
promesse.
Marquons
déjà une pause ici. La mère de Mikha dit deux choses :
-
Elle bénit son fils afin d’annuler la
malédiction qu’elle avait proféré
-
Elle lui propose de construire une idole.
Ces deux
choses sont intimement liées à ce qu’elle avait promis lorsqu’elle avait perdu
son argent, à savoir :
-
Elle a maudit son voleur
-
Elle a promis qu’elle construirait une idole
avec l’argent si elle le retrouvait.
Finalement,
est-ce que la malédiction a eu un effet ? Bien sûr que oui, il n’y a qu’à
continuer la lecture de ce passage et voir la déchéance de Mikha. C’est
d’ailleurs une des leçons de cette histoire : on ne s’amuse pas avec des
malédictions, ce sont des choses sérieuses. Mais comment cette déchéance
est-elle arrivée ? A travers l’idole qu’elle s’était promis de fabriquer
si elle retrouvait l’argent… Ironiquement, c’est parce qu’elle a pu réaliser sa
promesse que la malédiction a pu se réaliser.
ד וַיָּשֶׁב אֶת-הַכֶּסֶף, לְאִמּוֹ; וַתִּקַּח אִמּוֹ מָאתַיִם כֶּסֶף וַתִּתְּנֵהוּ
לַצּוֹרֵף, וַיַּעֲשֵׂהוּ פֶּסֶל וּמַסֵּכָה, וַיְהִי, בְּבֵית מִיכָיְהוּ.
|
4 Il restitua l’argent à sa mère. Celle-ci prit deux cents pièces d’argent
et les donna à l’orfèvre, qui en fit une idole en métal, laquelle fut placée
dans la maison de Mikha.
|
Le
projet se concrétise, et la maison de Mikha devient un lieu de culte idôlatre.
ה וְהָאִישׁ מִיכָה, לוֹ בֵּית אֱלֹהִים; וַיַּעַשׂ
אֵפוֹד, וּתְרָפִים, וַיְמַלֵּא אֶת-יַד אַחַד מִבָּנָיו, וַיְהִי-לוֹ לְכֹהֵן.
|
5 Cet homme, Mikha, possédant une maison de dieux, fit aussi fabriquer un
éphod et des idoles ; puis il consacra l’un de ses fils et l’employa comme
prêtre.
|
Tout
culte qui se respecte a un prêtre à sa tête. C’est désormais chose faite pour
Mikha qui nomme un de ses fils à cette place.
ו בַּיָּמִים הָהֵם, אֵין מֶלֶךְ בְּיִשְׂרָאֵל: אִישׁ הַיָּשָׁר
בְּעֵינָיו, יַעֲשֶׂה. {פ}
|
6 En ce temps-là, il n’y avait point de roi en Israël, et chacun agissait
à sa guise.
|
Ainsi se
termine le premier paragraphe. Cette phrase se répète deux fois, tel un
refrain, dans l’histoire. Elle a l’air justement de séparer les paragraphes.
Quel
intérêt a-t-on de savoir absolument qu’il n’y avait pas de roi en Israël et que
chacun faisait ce que bon lui semblait ? Je ne sais pas trop, mais
peut-être est-ce un rappel de l’épisode du mékalel
dont on mentionne uniquement la mère, et pas le père, et où il n’y avait donc qu’une
figure maternelle, et pas de figure
paternelle. Ici aussi, on ne connaît pas le père de Mikha, seule sa mère est
présentée. Et au niveau du royaume d’Israël dans son ensemble, il n’y a pas de
roi, i.e. il n’y a pas de figure paternelle.
Un Lévi comme Cohen
Continuons notre analyse des versets suivants (Choftim 17:7-18:1).
ז וַיְהִי-נַעַר, מִבֵּית לֶחֶם
יְהוּדָה, מִמִּשְׁפַּחַת, יְהוּדָה; וְהוּא לֵוִי, וְהוּא גָר-שָׁם.
|
7 Il y avait alors un jeune homme de Beth-Le’hem-Yéhouda, de la famille de
Yéhouda ; il était un Lévi et habitait là-bas.
|
Voici un nouveau personnage. C’est un Lévi, et
on nous dit « וְהוּא גָר-שָׁם » que l’on traduit par « il
séjournait là-bas ». A qui fait penser ce personnage ? Si vous avez
lu attentivement le passage qui traite du passage de Moché chez Yitro (Chémot 2:11-22) alors ces mots doivent
résonner en vous… Comment s’appelait le fils de Moché ? Il s’appelait
Guershom. Que signifie ce nom ? Voici la réponse (Chémot 2:22) :
וַתֵּלֶד בֵּן, וַיִּקְרָא אֶת-שְׁמוֹ גֵּרְשֹׁם:
כִּי אָמַר--גֵּר הָיִיתִי, בְּאֶרֶץ נָכְרִיָּה
Elle eut
un enfant, et il l’appela Guershom, car il dit : "J’ai été étranger
dans une terre étrangère".
Ce
personnage fait bel et bien penser à Moché. Il est issu de la tribu de Lévi
mais ne séjourne pas avec la tribu de Lévi, il vit en terre étrangère. Où
vit-il ? Dans le territoire de Yéhouda, dont il est aussi originaire.
Comment est-ce possible de provenir de deux tribus ? Il s’agit forcément
du fruit d’un mariage mixte entre deux tribus : Lévi et Yéhouda. Son père
est un Lévi et sa mère appartient à la tribu de Yéhouda.
Tiens,
un mariage mixte. Cela ne vous rappelle-t-il rien ?
Mais
oui, le mékalel. Ce Lévi est en train
de rejouer le rôle du mékalel. Lui
aussi est issu d’un mariage mixte. Et vous savez quoi ? Lui aussi n’a pas
de territoire où s’installer, comme il le dit dans les versets suivants.
ח וַיֵּלֶךְ הָאִישׁ
מֵהָעִיר, מִבֵּית לֶחֶם יְהוּדָה, לָגוּר, בַּאֲשֶׁר יִמְצָא; וַיָּבֹא
הַר-אֶפְרַיִם עַד-בֵּית מִיכָה, לַעֲשׂוֹת דַּרְכּוֹ.
|
8 Cet homme quitta sa ville, Beth-Le’hem-Yéhouda, pour s’établir là où il pourrait
; dans le cours de son voyage, il arriva à la montagne d’Ephraïm, près de la
maison de Mikha.
|
9 Mikha lui demanda : "D’où viens-tu?" Il répondit : "Je
suis un Lévi, de Beth-Le’hem-Yéhouda, et je voyage pour m’établir où je
pourrai."
|
Il n’a
pas où habiter. Puisque son père n’est pas de Yéhouda, il a été renvoyé par la
tribu de Yéhouda. Et comme la tribu de Lévi est la seule tribu qui n’a pas
vraiment de territoire[2],
ce pauvre homme se retrouve sans endroit où s’installer.
Cet
homme rencontre Mikha, et ils établissent une relation, comme suit.
י וַיֹּאמֶר לוֹ
מִיכָה שְׁבָה עִמָּדִי, וֶהְיֵה-לִי לְאָב וּלְכֹהֵן, וְאָנֹכִי
אֶתֶּן-לְךָ עֲשֶׂרֶת כֶּסֶף לַיָּמִים, וְעֵרֶךְ
בְּגָדִים וּמִחְיָתֶךָ; וַיֵּלֶךְ, הַלֵּוִי.
|
10 "Eh bien ! lui dit Mikha, demeure avec moi, sers-moi de père et de
prêtre, et je te donnerai dix pièces d’argent par an, l’habillement complet
et la nourriture." Et le Lévi y alla.
|
11 Il consentit donc à demeurer chez cet homme, qui traita le jeune homme
comme un de ses enfants.
|
|
12 Mikha installa le Lévi, de sorte que ce jeune homme lui servît de prêtre
; et il resta dans la maison de Mikha.
|
|
13 Alors Mikha dit : "Je suis assuré maintenant que D.ieu me fera du bien, puisque j’ai pu avoir un
Lévi pour prêtre."
|
Comment
décrire ou qualifier la relation entre Mikha et ce Lévi ?
Il y a
quelque chose de contradictoire dans cette relation. D’un côté, Mikha considère
le Lévi comme son « père » et son « prêtre ». Mais d’un autre
côté, c’est lui qui le nourrit, qui s’occupe de lui, il a donc une relation de
supériorité sur ce prêtre qui, dit le texte, fut traité « comme l’un de
ses enfants »…
Résumons.
Ce Lévi est un homme qui est parti de là où il habitait, qui ne sait pas où
aller, il est étranger. Et là, une personne, Mikha, l’accueille, lui donne un
endroit où s’installer, un travail, une place dans la société…
Qu’est-ce
que cela vous rappelle ?
Eh bien,
c’est Moché et Yitro. Moché aussi n’avait pas où aller, il était en fuite de
son pays, l’Egypte. Et là, Yitro l’a accueilli, lui a donné du travail, une
femme, une place…
Mais les ressemblances ne s’arrêtent pas là. La
manière dont le texte exprime le consentement du Lévi à rester auprès de Mikha
est plutôt rare (Choftim
17:11) :
וַיּוֹאֶל הַלֵּוִי לָשֶׁבֶת
אֶת-הָאִישׁ; וַיְהִי הַנַּעַר לוֹ, כְּאַחַד מִבָּנָיו.
Le Lévi consentit à demeurer chez
cet homme ; le jeune Lévi fut pour lui comme l’un de ses enfants.
Cette manière d’indiquer le consentement
n’apparaît qu’une seule autre fois dans le Tanakh.
L’autre fois, c’est lorsque Moché consent à rester chez son beau-père (Chémot 2:21) :
וַיּוֹאֶל מֹשֶׁה לָשֶׁבֶת אֶת-הָאִישׁ; וַיִּתֵּן אֶת-צִפֹּרָה בִתּוֹ, לְמֹשֶׁה.
Moché consentit à demeurer chez cet
homme ; il donna [en mariage] Tsipora sa fille à Moché.
Quelle
est la relation entre Moché et Yitro ? Qui joue le rôle du père, et qui
joue celui de l’enfant ?
On
retrouve aussi une ambivalence dans la relation entre Moché et Yitro. En effet,
d’un côté, c’est Yitro qui accueille, nourrit, s’occupe de Moché. Mais d’un
autre côté, c’est Moché qui reçoit la révélation divine, c’est lui qui devient
le "prêtre", en quelques sortes, de D.ieu. En ce sens, il a une position
de supériorité vis-à-vis de Yitro.
En
conclusion, l’épisode de Lévi avec Mikha est une sorte de ‘remake’ de
l’histoire de Moché chez Yitro.
Ce
paragraphe se termine aussi par le même « refrain » :
א בַּיָּמִים הָהֵם, אֵין מֶלֶךְ בְּיִשְׂרָאֵל (...)
|
1 En ce temps-là, Israël n’avait point de roi (…)
|
Si l’on
fait une petite rétrospective, le premier paragraphe avait mis en scène une
malédiction devenue blasphème, le deuxième paragraphe a mis en scène des sortes
de ‘remake’ de Moché et du mékalel.
Qui manque-t-il à l’appel ?
La tribu de Dan entre en scène
Il ne manquait plus qu’eux pour compléter le tableau,
voici l’apparition de la tribu de Dan dans cette histoire (Choftim 18:1) :
א (...) וּבַיָּמִים
הָהֵם, שֵׁבֶט הַדָּנִי מְבַקֶּשׁ-לוֹ
נַחֲלָה לָשֶׁבֶת--כִּי לֹא-נָפְלָה לּוֹ עַד-הַיּוֹם הַהוּא בְּתוֹךְ-שִׁבְטֵי
יִשְׂרָאֵל, בְּנַחֲלָה. {פ}
|
1 (…) et en ce même temps, la tribu des Dan se mettait en quête d’une
possession pour s’y établir, car jusque-là elle n’avait pas obtenu en partage
un territoire, comme les autres tribus d’Israël.
|
Tiens, tiens,
la tribu de Dan n’a pas de territoire où s’installer. Toutes les autres tribus
ont déjà hérité de leur territoire, mais celui de la tribu de Dan était
difficile à conquérir ; la tribu entière est donc sans endroit où habiter…
Ce que les gens de Dan avaient causé à
un individu lors de l’épisode du mékalel retombe
sur eux ; c’est maintenant eux, à l’échelle de la tribu, qui font l’expérience
de l’absence de patrie.
Voici la
suite du passage en résumé.
La tribu
de Dan envoie des explorateurs dans la terre qu’ils doivent conquérir. En
chemin, ils se retrouvent chez Mikha. Ils demandent alors au prêtre, le Lévi,
si leur mission réussira. Celui-ci fait appel à ses idoles et leur confirme que
tout se passera bien pour eux. Ils proposent alors au Lévi de les suivre en
prenant avec lui l’idole de Mikha et de devenir le prêtre de toute la tribu de
Dan, ce qu’il accepte. Plus tard, ils conquerront leur territoire et ils
serviront cette idole pendant des centaines d’années.
L’histoire
se termine comme suit (Choftim 18:30-31) :
ל וַיָּקִימוּ לָהֶם
בְּנֵי-דָן, אֶת-הַפָּסֶל; וִיהוֹנָתָן בֶּן-גֵּרְשֹׁם בֶּן-מְנַשֶּׁה
הוּא וּבָנָיו, הָיוּ כֹהֲנִים לְשֵׁבֶט הַדָּנִי, עַד-יוֹם, גְּלוֹת הָאָרֶץ.
|
30 Les enfants de Dan érigèrent l’idole à leur usage ; et Yonathan, fils de
Gershom, fils de Ménaché, ainsi que ses descendants, servirent de prêtres à
cette tribu jusqu’au jour où elle fut exilée du pays.
|
31 Ils conservèrent donc l’idole fabriquée par Mikha, tout le temps que la
maison de D.ieu resta à Silo.
|
Le mékalel était resté anonyme jusqu’au
bout. Le nom du Lévi, par contre, est dévoilé à la toute fin de l’histoire. Il
s’agit de Yéhonathan, fils de Guershom, fils de Ménaché.
On
connaît un certain Guershom, dont on a parlé plus haut. Il s’agit du fils de
Moché. Est-ce de lui dont il s’agit ici ? En tout cas, le père de ce
Guershom s’appelle Ménaché et non Moché…
Pourtant,
si vous prenez la version massorétique du texte, le mot « Ménaché »
est écrit bizarrement, la lettre noun
paraît être en l’air, comme si elle n’appartenait pas au mot : « מְנַשֶּׁה »… Si on enlève cette lettre étrange, il
reste le mot « מֹשֶׁה » - Moché !
En
réalité, nos Sages[3]
disent qu’il s’agit véritablement de Moché, mais que, pour préserver l’image de
Moché, le scribe à rajouter une lettre, Moché devenant ainsi Ménaché… Le Lévi, prêtre idolâtre était le
petit-fils de Moché !
Conclusion
Cette histoire de l’idole de Mikha est un véritable acte
II, une suite de l’histoire du mékalel.
Mikha et son idole
En effet, rappelez-vous la suite d’évènements dans
l’histoire du mékalel :
1. La tribu de Dan ne veut pas donner de place au mékalel
2. Moché ne trouve pas ou ne propose pas de solution et le
laisse dans son désarroi
3. Le mékalel
blasphème
Dans l’histoire de l’idole de Mikha, la tribu de Dan et
le petit-fils de Moché se retrouvent dans la même situation que le mékalel :
1. Le petit-fils de Moché n’a pas où habiter car la tribu de
Yéhouda ne lui donne pas de place
2. La tribu de Dan n’a pas de territoire où s’installer
3. Tous : la tribu de Dan avec à leur tête le
petit-fils de Moché vont blasphémer pendant des centaines d’années.
La question qui reste est : que fait-on de tout
cela ? Qu’est-ce que cela nous apprend ?
Une question de degré
Je ne
suis pas tout à fait sûr de ce que j’avance maintenant. Cependant, je pense que
si le blasphémateur a été condamné à mort par D.ieu, c’est qu’il le méritait,
c’est qu’il aurait pu agir autrement. Moché et la tribu de Dan, à la limite,
ont été complices de ce qui s’est passé.
Reprenons
l’exemple de l’école de Columbine où des adolescents se sentant rejetés par
leur classe ont perpétré un massacre, tuant des dizaines de personnes se
trouvant dans l’école.
A la
question : « Qui est responsable ? », il y a eu des tas de
réponses, des débats interminables. Certains pensaient que c’était lié à la
violence des jeux vidéos, d’autres au manque d’intégration de ces adolescants dans
leur classe, remettant en cause le chef d’établissement, d’autres encore ont
voulu accuser les médias, les films etc.
Pour ma
part, je crois qu’ils avaient tous raison. Tout le monde est responsable de ce qui
s’est passé. Mais tout le monde n’est pas responsable au même degré. Et c’est
cette question de degré qui change tout, qui fait qu’on ne pourra pas envoyer
Hollywood en prison. D’un autre côté, le fait qu’Hollywood n’aille pas en
prison ne signifie pas pour autant qu’il n’avait aucune responsabilité…
Du libre arbitre
J’aimerais
présenter le problème selon un autre point de vue. Comment peut-on encore
croire aujourd’hui au libre arbitre ? En effet, nous sommes tous
conditionnés par nos parents, notre société, notre entourage, les médias etc.
Nos
Sages disent que, quarante jours avant la naissance, une voix céleste
déclare : « Cet enfant sera pauvre ou riche, patient ou nerveux,
beau ou laid etc. ». Mais la seule chose que la voix céleste ne décide pas
est : sera-t-il un homme tsaddik
– juste ou un homme racha’ – mauvais ?
Ce choix là reste entre les mains de chacun.
Je crois
que ce que les Sages veulent dire, c’est que tout le monde vit dans un
contexte, avec des données prédéfinies, que l’on pourrait appeler dans un
langage moderne : les gènes. Mais cela n’a rien à voir avec le libre
arbitre. Le libre arbitre s’exerce justement par-dessus ces données
prédéfinies, c’est là l’espace où l’homme jouit de sa liberté d’agir.
En
somme, chacun a ses problèmes, chacun a ses situations où il se doit d’exercer
son libre arbitre afin d’être un homme juste et non un homme mauvais.
Quelle leçon en tirer ?
Je crois
que si quelqu’un rate le coche et fait le mauvais choix et en vient à rater sa
vie, alors, il pourra s’en vouloir et ce sera tant pis pour lui. Mais si j’ai
participé de quelque manière que ce soit à ce que sa vie soit un cauchemar,
alors se présentera à moi, ou à ma descendance, une situation similaire, avec
le même type d’épreuve que celle que cet homme a vécue.
D’un
autre côté, quel comportement le mékalel
aurait-il dû avoir ? Lorsqu’on lit le Midrash,
on a l’impression qu’il n’y avait aucune alternative, aucune solution pour que
cet homme ait une place dans la société, ait un endroit pour vivre. Y-avait-il
une solution ? Comment aurait-il dû s’y prendre ?
C’est
pour cela que je voudrais étudier avec vous deux autres histoires du Tanakh où des personnes ont eu des
épreuves semblables à celles du mékalel
mais qui, elles, ont trouvé d’autres solutions.
Ces deux
histoires, que j’aimerais que vous prépariez pour la prochaine fois,
sont :
-
Les filles de Tsélof’’had (Bamidbar 27:1-11)
-
La naissance de Shmouel (Shmouel I 1)
A la
prochaine !
Traduit librement par Naty
à partir d’une série de conférences données par Rav Fohrman. Le titre original
de la série est : « Is it Kosher to argue ? ».
[1] Il peut paraître étonnant de vouloir
montrer son attachement à D.ieu en construisant des idoles. Disons qu’en ces
temps là, il y avait quelques confusions dans le service de D.ieu.
[2] Lors du partage de la terre d’Israël,
la tribu de Lévi n’a pas eu un territoire comme les autres tribus. Elle a
seulement eu droit à certaines villes.
[3] N.d.T – cf. Baba Batra 99b. Si vous y
jetez un coup d’oeil, vous verrez que toutes les histories dont nous avons
parlé sont citées (mékalel, Yitro,
Mikha) ! Il faut croire que nous ne sommes pas les premiers à avoir noté
les parallèles entre ces histoires…
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