dimanche 8 janvier 2012

La Vente de Yossef - Episode 4 - Le gardien de ton frère

Quelle est la culpabilité des frères de Yossef? Que leur reproche-t-on exactement?
Quel rapport avec Caïn et Hével? Avec le massacre de Chekhem?

Enfin, le dernier épisode sur cette série sur la vente de Yossef. Nous allons maintenant utiliser tout ce que nous avons étudié jusqu'à présent ainsi que de nouvelles ressources afin d'identifier précisément la culpabilité des frères de Yossef. 

Afin de bien cibler où la culpabilité des frères de Yossef se situe, nous allons nous pencher sur deux autres passages de la Torah. Ces passages n’ont a priori aucun lien avec la vente de Yossef. Cependant, nous verrons qu’ils cachent des liens étroits avec l’épisode de la vente de Yossef…

     Caïn et son frère

Si l’on vous disait que l’histoire de Caïn qui tue son frère Hevel est très ressemblante à celle de la vente de Yossef par ses frères, y croiriez-vous ?
C’est pourtant le cas, alors tâchons d’abord de montrer les parallèles textuels entre ces deux histoires nous verrons ensuite ce que cela nous apprend.

1)      La voix du frère criant de la terre

Rappelons-nous l’étrange expression de culpabilité des frères  (Béréchit 42:21) :
כא וַיֹּאמְרוּ אִישׁ אֶל-אָחִיו, אֲבָל אֲשֵׁמִים אֲנַחְנוּ עַל-אָחִינוּ, אֲשֶׁר רָאִינוּ צָרַת נַפְשׁוֹ בְּהִתְחַנְנוֹ אֵלֵינוּ, וְלֹא שָׁמָעְנוּ; עַל-כֵּן בָּאָה אֵלֵינוּ, הַצָּרָה הַזֹּאת.
21 Et ils se dirent l’un à l’autre: "Nous sommes punis à cause de notre frère; dont nous avons vu le désespoir lorsqu’il nous criait de grâce et nous sommes restés sourds. Voilà pourquoi ce malheur nous arrive."
Yossef criait depuis le fonds du puits, et les frères ne l’ont pas écouté. C’est aussi le reproche que fait Hachem à Caïn (Béréchit 4:10):
י וַיֹּאמֶר, מֶה עָשִׂיתָ; קוֹל דְּמֵי אָחִיךָ, צֹעֲקִים אֵלַי מִן-הָאֲדָמָה. 
10 D.ieu dit: "Qu'as-tu fait! Le cri du sang de ton frère s'élève, jusqu'à moi, de la terre.

2)      Tuons-le

Les frères projettent de tuer Yossef en disant (Béréchit 37 :20) : « לְכוּ וְנַהַרְגֵהוּ ». Aussi étonnant que cela puisse paraître, cette expression : « הַרְגֵהוּ », n’apparaît que deux fois dans toute la Torah ! Et savez-vous où l’on trouve la seconde occurrence de cette expression ?
Vous l’avez sûrement deviné, elle se trouve dans l’histoire de Caïn (Béréchit 4:8) : «וַיַּהַרְגֵהוּ ».

3)      Absence de communication entre tueur et victime

Dans les deux histoires que nous comparons, l’absence de dialogue entre les victimes et leurs agresseurs est marquante.
La Torah témoigne de cette absence chez les frères de Yossef : on voit bien que Yossef doit les supplier pour qu’ils écoutent ses rêves (Béréchit 37:6 « שִׁמְעוּ-נָא ») ou bien encore qu’ils n’arrivent pas à parler tranquillement avec lui (Béréchit 37:4 « וְלֹא יָכְלוּ דַּבְּרוֹ לְשָׁלֹם »). Les frères eux même ont l’air de relever ce point avec emphase plus tard, lorsqu’ils reconnaîtront leur culpabilité (Béréchit 42:21 « וְלֹא שָׁמָעְנוּ » - « et nous sommes restés sourd »).
De même en est-il pour Caïn et Hevel. Observez-bien le verset suivant (Béréchit 4:8):
ח וַיֹּאמֶר קַיִן, אֶל-הֶבֶל אָחִיו; וַיְהִי בִּהְיוֹתָם בַּשָּׂדֶה, וַיָּקָם קַיִן אֶל-הֶבֶל אָחִיו וַיַּהַרְגֵהוּ. 
8 Caïn parla à son frère Abel; mais il advint, comme ils étaient aux champs, que Caïn se jeta sur Abel, son frère, et le tua.
Vous voyez quelque chose de bizarre dans cette phrase, non ? Caïn parle à Hevel, mais la Torah ne rapporte rien de ce qu’il lui a dit. Il s’agit probablement  d’une discussion interrompue : encore cette absence remarquée de dialogue entre victime et agresseur.

4)      Nous ne savons pas où notre frère se trouve…

Caïn le dit clairement. Lorsque Hachem lui demande où son frère se trouve, il lui donne cette fameuse réplique (Béréchit 4:9): « לֹא יָדַעְתִּי, הֲשֹׁמֵר אָחִי אָנֹכִי » - « Je ne sais pas ; suis-je le gardien de mon frère ? »
Les frères, le disent. Mais de manière un peu cachée. Ils font montrer la tunique ensanglantée à leur père et lui disent (Béréchit 37:d) : « זֹאת מָצָאנוּ: הַכֶּר-נָא, הַכְּתֹנֶת בִּנְךָ הִוא--אִם-לֹא » - « Voici ce que nous avons trouvé; examine si c'est la tunique de ton fils ou non ». Ils lui disent, sans le dire, qu’ils ne savent pas où est leur frère ni ce qui a pu lui arriver. Le seul indice qu’ils aient est cette tunique…

5)      Haine du frère

Ceci est tellement évident que nous n’y avons pas pensé jusqu’à présent. Mais les deux histoires traitent de frère haï par son/ses frère(s).

6)      תִּמְשָׁל

Ceci peut paraître étonnant mais les seules deux occurrences exactes du mot « תִּמְשָׁל » dans le Tanakh sont dans nos deux histoires – celle de Caïn et celle de Yossef.

7)      Le mot « frère » - 7 fois répété

Le mot frère est très redondant dans l’histoire de Caïn. Hevel est systématiquement présenté comme le frère de Caïn. On a l’impression que la Torah ne perd pas une occasion d’écrire le mot « frère » - « אח ». Il y a, en tout, sept occurrences du mot « frère » dans l’histoire de Caïn. Et l’on sait que le chiffre 7 n’est jamais anodin dans la tradition juive.
Ceci est d’autant plus troublant que l’on retrouve ce chiffre – 7 – par deux fois dans l’histoire de Yossef. La terminologie  « frère » - « אח » se retrouve sept fois dans la première partie de l’histoire, lorsque Yossef énerve ses frères et sept autre fois dans la seconde partie de l’histoire, lorsque Yossef est tourmenté par ses frères.

Cette terminologie de « frère » - « אח » a l’air d’être importante dans la compréhension de la vente de Yossef. Il semblerait que ce soit ce que Ya’akov relève également peu de temps avant de mourir alors qu’il bénit ses fils…

     Ya’akov sur son lit de mort

A la toute fin du Séfer Béréchit, Ya’akov réunit ses enfants avant de mourir et les bénit. Il bénit ses enfants un à un et voilà qu’on arrive au tour de Chim’on et Lévi (Béréchit 49:5-7) :

ה שִׁמְעוֹן וְלֵוִי, אַחִים--כְּלֵי חָמָס, מְכֵרֹתֵיהֶם.
5 Chim’on et Lévi, sont frères; leurs armes sont des instruments de violence.
ו בְּסֹדָם אַל-תָּבֹא נַפְשִׁי, בִּקְהָלָם אַל-תֵּחַד כְּבֹדִי: כִּי בְאַפָּם הָרְגוּ אִישׁ, וּבִרְצֹנָם עִקְּרוּ-שׁוֹר.
6 Que mon âme ne s’immisce pas dans leur secret! Que mon honneur ne soit pas complice de leur alliance! Car, dans leur colère, ils ont tué des hommes et pour leur passion ils ont frappé un taureau.
ז אָרוּר אַפָּם כִּי עָז, וְעֶבְרָתָם כִּי קָשָׁתָה; אֲחַלְּקֵם בְּיַעֲקֹב, וַאֲפִיצֵם בְּיִשְׂרָאֵל. {פ}
7 Maudite soit leur colère, car elle fut malfaisante et leur indignation, car elle a été funeste! Je les séparerai dans Ya’akov, et les disperserai dans Israël.

Qu’est-ce qui, dans ces quelques versets, vous rappelle la vente de Yossef ?

A première vue, pas grand chose. En effet, Ya’akov a l’air de mentionner une histoire qu’il connaît bien[1] : le massacre de la ville Chekhem par Chim’on et Levi en représailles au viol de leur sœur Dina.
Cependant, nous avons vu précédemment, au détour d’un Rachi, que Chekhem est justement le lieu commun de :
-          Le viol de Dina et la destruction de la ville par Chim’on et Levi
-          La vente de Yossef
-          La division du Royaume d’Israël

On retrouve bien les premier (כִּי בְאַפָּם הָרְגוּ אִישׁ[2]) et troisième (אֲחַלְּקֵם בְּיַעֲקֹב, וַאֲפִיצֵם בְּיִשְׂרָאֵל) éléments dans le discours de Ya’akov. Montrons maintenant que le deuxième élément (la vente de Yossef) est aussi présent et relisons une seconde fois les remontrances de Ya’akov à Chim’on et Lévi :

שִׁמְעוֹן וְלֵוִי, אַחִים--כְּלֵי חָמָס, מְכֵרֹתֵיהֶם. בְּסֹדָם אַל-תָּבֹא נַפְשִׁי, בִּקְהָלָם אַל-תֵּחַד כְּבֹדִי: כִּי בְאַפָּם הָרְגוּ אִישׁ, וּבִרְצֹנָם עִקְּרוּ-שׁוֹר. אָרוּר אַפָּם כִּי עָז, וְעֶבְרָתָם כִּי קָשָׁתָה; אֲחַלְּקֵם בְּיַעֲקֹב, וַאֲפִיצֵם בְּיִשְׂרָאֵל.

1)      « אַחִים » - « frères ». Rachi[3] voit ici une allusion à la vente de Yossef où la notion de fraternité revient sans cesse et en particulier juste avant la vente « וַיֹּאמְרוּ, אִישׁ אֶל-אָחִיו ».

De manière générale, il faut noter à quel point le terme « אַחִים » - « frères » est utilisé dans un sens exclusif dans la vente de Yossef. En particulier, regardez comment Yéhouda s’exprime (Béréchit 37:26-27):
כו וַיֹּאמֶר יְהוּדָה, אֶל-אֶחָיו: מַה-בֶּצַע, כִּי נַהֲרֹג אֶת-אָחִינוּ, וְכִסִּינוּ, אֶת-דָּמוֹ.
26 Yéhouda dit à ses frères: "Quel avantage, si nous tuons notre frère et si nous scellons sa mort?
כז לְכוּ וְנִמְכְּרֶנּוּ לַיִּשְׁמְעֵאלִים, וְיָדֵנוּ אַל-תְּהִי-בוֹ, כִּי-אָחִינוּ בְשָׂרֵנוּ, הוּא; וַיִּשְׁמְעוּ, אֶחָיו.
27 Venez, vendons le aux Ismaélites et que notre main ne soit pas sur lui, car il est notre frère, notre chair!" Et ses frères consentirent.
Il y a une grande ironie ici. Le terme « frère » - « אח » est employé à quatre reprises en deux versets seulement mais ne prend pas le même sens à chaque fois !
ü  Yéhouda parle à ses frères. Quels frères ? Ses vrais frères.
ü  Il leur dit : « comment peut-on vendre notre frère ? ». Quel genre de frère ? Son demi-frère ?
ü  Yéhouda poursuit : « car après tout, c’est quand même notre frère ! » Oui, c’est notre frère, mais à quel point ? Comment peut-on arriver à vendre son frère ? Est-ce tellement mieux que de le tuer ?
ü  Alors, ses frères l’écoutent. Ses vrais frères, cette fois.
Qui est Yossef ? Est-ce leur frère ou pas? Il a l’air d’être un frère et c’est pour cela qu’ils ne le tuent pas, mais ce n’est plus leur frère lorsqu’il s’agit de le vendre ?

2)      « מְכֵרֹתֵיהֶם » - « armes ». Mot étrange pour parler d’armes. Ne trouvez-vous pas que ce mot ressemble étrangement à « מכירה » - « vente ». N’est-ce- pas encore une référence cachée à la vente de Yossef ?

3)      « בְּסֹדָם » - « dans leur secret ». Ce mot peut également se lire « Bé-Sédome » - comme un rappel de la faute de la ville de Sédome qui a causé sa propre perte. Sédome a été détruite parce que ses habitants de ne s’entre-aidaient qu’entre eux. Ils détestaient, chassaient l’étranger mais étaient volontaires pour aider les citoyens de leur ville.
On pourrait voir ici un reproche de Ya’akov à ses fils pour qui seul un vrai frère comptait alors qu’aucune compassion n’avait été exprimée pour le demi-frère.

4)      « כִּי בְאַפָּם הָרְגוּ אִישׁ, וּבִרְצֹנָם עִקְּרוּ-שׁוֹר » - « Car, dans leur colère, ils ont tué des hommes et pour leur passion ils ont frappé un taureau »
Rachi souligne que ceci fait référence à deux évènements : le massacre de Chekhem suite au viol de Dina et la vente de Yossef qui est appelé « בְּכוֹר שׁוֹרוֹ » :
: כִּי בְאַפָּם הָרְגוּ אִישׁ
אֵלּוּ חֲמוֹר וְאַנְשֵׁי שְׁכֶם
Car dans leur colère ils ont tué un homme Il s’agit de ‘Hamor et des habitants de Chekhem.
וּבִרְצֹנָם עִקְּרוּ שׁוֹר
 רָצוּ לַעֲקוֹר אֶת יוֹסֵף שֶׁנִּקְרָא שׁוֹר שֶׁנֶּאֱמַר בְּכוֹר שׁוֹרוֹ הָדָר לוֹ.
Et dans leur arbitraire ils ont déraciné un taureau Ils ont voulu abattre Yossef, qui est appelé chor (« taureau »), ainsi qu’il est écrit : « le premier-né de son taureau (choro), à lui la majesté » (Devarim 33, 17).
Il y a clairement un thème commun à ces deux évènements. Il s’agit des deux évènements douloureux où les frères ont agit pour défendre l’honneur de leur mère Léa[4].

Les frères ont agi avec colère. Ils ont tué la ville de Chekhem et ont failli faire de même avec Yossef. Ceci nous rappelle Caïn qui a tué Hével par colère.
La similitude entre Caïn et les frères de Yossef est même encore plus subtile. En effet, dans les deux cas, la colère se déverse sur la « mauvaise » personne. Caïn n’en voulait pas à Hével. Il était jaloux, énervé que D.ieu accepte l’offrande de son frère et pas la sienne. Sa colère envers D.ieu s’est abattue sur son frère. Il en va de même pour les frères de Yossef qui ont agi par agacement envers leur père qui montrait constamment une préférence pour sa femme Ra’hel, laissant de côté leur mère Léa et eux-mêmes. Ils s’en sont prit à Chekhem, puis à Yossef mais ce ne sont que des dommages collatéraux, ils en voulaient en fait profondément à leur père.

5)      La double punition : Malédiction (« אָרוּר ») et Dispersion (« וַאֲפִיצֵם בְּיִשְׂרָאֵל ») ne peut pas ne pas nous rappeler celles que Caïn avait reçues :
a.       La malédiction (Béréchit 4:11) « אָרוּר אָתָּה »
b.      L’exil (Béréchit 4:12) « נָע וָנָד, תִּהְיֶה בָאָרֶץ »


Vous voyez où l’on veut en venir ? Si les actes et les punitions de Caïn et des frères de Yossef sont tellement ressemblantes, peut-être bien que leurs culpabilités sont similaires…

     Culpabilité

De quoi Caïn est-il coupable ? Que lui a-t-on reproché ?

Vous allez sûrement répondre qu’il a tué son frère. On lui reprocherait donc le meurtre.

Eh bien, ceci n’est pas si sûr que cela. En effet, l’acte de meurtre ne semble pas prémédité mais plutôt spontané[5]. En effet, les Sages nous rapportent que Caïn tua par inadvertance. Il ne savait pas que sa violence détruirait Hével ; il ne savait même pas comment on pouvait tuer un homme – il était le premier à la faire ! Il s’agirait donc plutôt d’un meurtre  par inadvertance.
Le Midrach (Midrach Rabba, Béréchit 2:26) fait justement remarquer que c’est la raison pour laquelle la punition de Caïn fut l’exil. En effet, la Torah stipule qu’un meurtrier qui a tué délibérément doit être condamné  à  la peine capitale tandis que celui qui a tué par inadvertance  est condamné et exilé de sa terre. L’exil de Caïn, selon ce Midrach, fut donc le prototype de cette loi[6].

La question revient donc. Si Caïn n’a pas tué intentionnellement son frère, que lui reproche-t-on ?

La Torah nous donne la clé (Béréchit 4:9-10) au travers d’un dialogue entre Hachem et Caïn qui fait immédiatement suite au « meurtre » :
ט וַיֹּאמֶר ה׳ אֶל-קַיִן, אֵי הֶבֶל אָחִיךָ; וַיֹּאמֶר לֹא יָדַעְתִּי, הֲשֹׁמֵר אָחִי אָנֹכִי. 
9 L'Éternel dit à Caïn: "Où est Abel ton frère?" Il répondit: "Je ne sais; suis-je le gardien de mon frère?"
י וַיֹּאמֶר, מֶה עָשִׂיתָ; קוֹל דְּמֵי אָחִיךָ צֹעֲקִים אֵלַי מִן-הָאֲדָמָה. 
10 D.ieu dit: "Qu'as-tu fait! Le cri du sang de ton frère s'élève, jusqu'à moi, de la terre.

Non, Caïn n’est pas coupable de meurtre. Il est coupable de bien plus grave que cela. A la question : « où est ton frère ? » il répond « לֹא יָדַעְתִּי, הֲשֹׁמֵר אָחִי אָנֹכִי » - « Je ne sais pas, suis-je le gardien de mon frère ? ». Pour Hachem, ceci est inacceptable ! Quoi ? « Le cri du sang de ton frère s’élève de sous la terre ! » - « קוֹל דְּמֵי אָחִיךָ, צֹעֲקִים אֵלַי מִן-הָאֲדָמָה » et toi, c’est ainsi que tu me réponds !?

La voilà, la culpabilité de Caïn. Elle tient en trois mots : « הֲשֹׁמֵר אָחִי אָנֹכִי ». Il a fait preuve d’apathie vis-à-vis de son frère au lieu de s’en occuper avec beaucoup de précaution et minutie.

L’erreur des frères de Yossef est la même. Ils l’ont dit, eux-mêmes, plus tard (Béréchit 42:21) :
כא וַיֹּאמְרוּ אִישׁ אֶל-אָחִיו, אֲבָל אֲשֵׁמִים אֲנַחְנוּ עַל-אָחִינוּ, אֲשֶׁר רָאִינוּ צָרַת נַפְשׁוֹ בְּהִתְחַנְנוֹ אֵלֵינוּ, וְלֹא שָׁמָעְנוּ; עַל-כֵּן בָּאָה אֵלֵינוּ, הַצָּרָה הַזֹּאת.
21 Et ils se dirent l’un à l’autre: "Nous sommes punis à cause de notre frère; dont nous avons vu le désespoir lorsqu’il nous criait de grâce et nous sommes restés sourds. Voilà pourquoi ce malheur nous arrive."
Les frères ont été coupables de ne pas avoir écouté leur frère, de l’avoir ignoré dans un moment de grande détresse.



[1] Pour ce qui est de l’histoire de la vente de Yossef, nous ne savons pas ce qu’il sait. Il connaît probablement bien moins cette histoire que celle du massacre de Chekhem.
[2] Rachi (ad loc) : « אֵלּוּ חֲמוֹר וְאַנְשֵׁי שְׁכֶם » - « Il s’agit de ‘Hamor et des habitants de Chekhem »
[3] « שִׁמְעוֹן וְלֵוִי אַחִים. בְּעֵצָה אַחַת עַל שְׁכֶם וְעַל יוֹסֵף וַיֹּאמְרוּ אִישׁ אֶל אָחִיו וְגוֹ' וְעַתָּה לְכוּ וְנַהֲרְגֵהוּ » - « Chim‘on et Léwi sont frères Animés d’un même dessein contre Chekhem et contre Yossef (Midrach tan‘houma 9). Il est écrit : « ils dirent chaque homme “à son frère”... et maintenant, venez et tuons-le ! » (supra 37, 19 et 20). »
[4] Les frères sont appelés « A’hei Dina » - « frères de Dina » lorsqu’ils détruisent la ville. Et Dina elle-même est présentée comme la fille de Léa  au début de l’épisode relatant son viol.
[5] Comme nous l’avons fait remarquer plus haut, le meurtre fait suite à une discussion interrompue, Caïn aurait donc sauté sur son frère dans un moment inattendu, par impulsion. Voir pour plus de détail : Adam et Eve, Caïn et Abel de Rav David Fohrman p.225 dans la longue note.
[6] Il est à noter que le tueur par inadvertance est protégé de tout agresseur (Goel Hadam) par la loi s’il se trouve dans une ville de refuge (‘Arei Miklat). Etrangement, Caïn a aussi bénéficié d’une protection divine contre tout agresseur.




Traduit librement par Naty à partir d’une série de conférences données par Rav Fohrman en Novembre et Décembre 2008. Le titre original de la série est : « The Sale of Joseph ».

3 commentaires:

  1. Bonjour,

    Dans ce commentaire, la véritable nature de la faute est déduite notamment de l’analyse des remontrances de Yaakov à Shimon et Lévi, preuve que pour Yaakov, ils ont eu un rôle décisif dans l’histoire de la vente de Yossef. De même, Shimon a visiblement une responsabilité particulière puisqu’il est choisi comme ‘’otage’’ par Yossef en attendant la venue de Binyamin.
    Cependant, lors de la vente de Yossef, ses neuf frères se sont montrés insensibles à sa détresse (si l’on ne compte pas Reouven).
    Et je n’arrive donc pas à comprendre pourquoi Shimon et Lévi auraient une part de responsabilité plus importante que les autres. Où trouve-t-on dans le texte une trace d’une insensibilité supérieure de Shimon et Lévi par rapport aux autres frères ?

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  2. Bonjour Yoav,
    Je t'invite à regarder de plus près le Rachi sur "שִׁמְעוֹן וְלֵוִי אַחִים" dans Vay'hi. il ramène un midrach qui voit dans ce "אַחִים" (ne sait-on pas qu'ils sont frères?) une prophétie de Ya'akov sur le verset "וַיֹּאמְרוּ אִישׁ אֶל-אָחִיו...לְכוּ וְנַהַרְגֵהוּ" qui ne précisait pas qui parlait à qui. Maintenant, on sait que c'est Chim'on et Lévi.
    Ceci est d'ailleurs logique, car seuls les enfants de Léa étaient vraiment contre Yossef et parmi eux, on peut exclure Réouven et Yéhouda (qui ne voulait pas le tuer mais "seulement" le vendre). Il reste donc seulement 2 petits frères qui se sont sans doûte effacés devant leurs grands frères.
    Pour revenir à ta question: qui te dit que les 9 frères n'étaient pas au fonds comme Réouven; Mais trop "timides" pour contrer Chim'on et Lévi qui étaient connus pour leur force, leur fougue?
    Donc, par une prophétie, Ya'akov nous apprend que ceux qui ont projeté de tuer Yossef dans le "וַיֹּאמְרוּ אִישׁ אֶל-אָחִיו" (certes suivis par les autres frères sauf Réouven) ne sont autres que Chim'on et Lévi. Il nous apprend aussi que leur erreur est venu de la mauvaise appréciation du "frère"...

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  3. Voila le Rachi en entier pour référencce:
    שִׁמְעוֹן וְלֵוִי אַחִים. בְּעֵצָה אַחַת עַל שְׁכֶם וְעַל יוֹסֵף וַיֹּאמְרוּ אִישׁ אֶל אָחִיו וְגוֹ' וְעַתָּה לְכוּ וְנַהֲרְגֵהוּ. מִי הֵם אִם תֹּאמַר רְאוּבֵן אוֹ יְהוּדָה הֲרֵי לֹא הִסְכִּימוּ בַּהֲרִיגָתוֹ. אִם תֹּאמַר בְּנֵי הַשְּׁפָחוֹת הֲרֵי לֹא הָיְתָה שִׂנְאָתָן שְׁלֵמָה שֶׁנֶּאֱמַר וְהוּא נַעַר אֶת בְּנֵי בִלְהָה וְאֶת בְּנֵי זִלְפָּה וְגוֹ' יִשָּׂשׂכָר וּזְבוּלוּן לֹא הָיוּ מְדַבְּרִים בִּפְנֵי אֲחֵיהֶם הַגְּדוֹלִים מֵהֶם. עַל כֵּן שִׁמְעוֹן וְלֵוִי הֵם שֶׁקְּרָאָם אֲבִיהֶם אַחִים

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